Le biofeedback est une méthode de psychothérapie assistée par ordinateur permettant de fournir à une personne des informations sur ses biosignaux en temps-réel. En surveillant la température de la peau, la pression artérielle, le rythme cardiaque, les ondes cérébrales (ou toute autre mesure) il est possible d’indiquer à une personne son état. Un système de diffusion montre à la personne en temps réel ce que son biosignal est en train de faire (feedback).
Grâce à ces signaux de feedback, les patients apprennent à mieux ressentir et comprendre le fonctionnement de leur cognition. De nombreuses maladies, troubles ou comportements indésirables sont dus à une dérégulation de mécanismes de contrôle cognitif ou de régulation émotionnelle. Le biofeedback vise à faciliter l’acquisition de compétences cognitives pour compenser ces dérégulations.
Ce qui ne nous intéresse PAS à l’institut
Les biofeedbacks ont été utilisés depuis une cinquantaine d’années, pour des raisons historiques, dans le but de conditionner les signaux biologiques de patients. Conditionner signifie en gros que le but visé est de “dresser le système nerveux” du patient. Cette approche ignore les apports des théories cognitives, et par conséquent néglige plusieurs aspects importants du fonctionnement humain (Gaume, Vialatte, Mora-Sánchez, Ramdani, & Vialatte, 2016).
Nous ne sommes pas du tout convaincus par cette approche. Cette approche néglige totalement le cadre thérapeutique des psychothérapies, considérant à tort que le biofeedback fonctionnerait comme un médicament (ce qui est absurde : avez-vous besoin de vous concentrer sur votre aspirine pour qu’elle fonctionne ?). Le biofeedback, en se focalisant sur un objectif de conditionnement, dispose à l’heure actuelle d’un cadre thérapeutique trop faiblement défini, ne tenant pas compte des facteurs cognitifs et psycho-sociaux. Par exemple, la régulation de la variabilité cardiaque est employée comme outil de régulation du stress (Goessl, Curtiss, & Hofmann, 2017). Elle reste néanmoins présentée comme un conditionnement psychophysiologique, alors que ce biofeedback pourrait aisément être intégré dans les protocoles de TCC (Lehrer, 2018).
Ce qui nous intéresse à l’institut
Le cadre des TCC est structuré et possède une efficacité reconnue (Hofmann, Asnaani, Vonk, Sawyer, & Fang, 2012). Nous proposons d’insérer le biofeedback dans ce cadre des TCC, ce qui présente des synergies très pertinentes. Il devient alors un outil de remédiation de la conscience intéroceptive® : autrement dit, un système pour apprendre à se connaître soi-même.
[trx_infobox style=”success” closeable=”yes”]Remédiation de la conscience intéroceptive : les séances de biofeedback à l’institut visent non pas à conditionner le cerveau (sic), mais à fournir à la personne les moyens de se connaître elle-même.[/trx_infobox]Dès lors, ce qui va compter n’est plus de “dresser” aveuglément le ystème nerveux, mais d’améliorer la compréhension fine du fonctionnement interne de la personne. Autrement dit, la personne apprend de façon ludique à méditer, avec un jeu vidéo qui lui montre en temps-réel comment ses signaux corporels réagissent. Les exercice proposés sont ceux que l’on retrouve dans les pratiques de mindfulness, et pourraient d’ailleurs être effectués sans neurofeedback. Cependant, au lieu d’être laissé seul face à lui-même, la personne dispose d’un soutien : la machine l’accompagne dans son exploration d’elle-même.
En s’appuyant sur nos recherches, nous pouvons expliciter les principaux paramètres cognitifs du biofeedback, et la place que peut prendre de cet outil dans un protocole de TCC. Plus précisément, les notions de stratégies cognitives (Pressley, Borkowski, & Schneider, 1987), de feedback interne, de charge cognitive (Sweller, 2011) et d’empan attentionnel, joueraient un rôle clef dans le biofeedback, et pourraient bénéficier du cadre des TCC. Réciproquement, le biofeedback permet d’étayer l’intéroception des patients dans les protocoles TCC existant.
Références :
Gaume, A., Vialatte, A., Mora-Sánchez, A., Ramdani, C., & Vialatte, F.-B. (2016). A psychoengineering paradigm for the neurocognitive mechanisms of biofeedback and neurofeedback. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 68, 891‑910. https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2016.06.012
Goessl, V. C., Curtiss, J. E., & Hofmann, S. G. (2017). The effect of heart rate variability biofeedback training on stress and anxiety: a meta-analysis. Psychological Medicine, 47(15), 2578‑2586. https://doi.org/10.1017/S0033291717001003
Hofmann, S. G., Asnaani, A., Vonk, I. J. J., Sawyer, A. T., & Fang, A. (2012). The Efficacy of Cognitive Behavioral Therapy: A Review of Meta-analyses. Cognitive Therapy and Research, 36(5), 427‑440. https://doi.org/10.1007/s10608-012-9476-1
Lehrer, P. M. (2018). Heart rate variability biofeedback and other psychophysiological procedures as important elements in psychotherapy. International Journal of Psychophysiology, 131, 89‑95. https://doi.org/10.1016/j.ijpsycho.2017.09.012
Pressley, M., Borkowski, J. G., & Schneider, W. (1987). Good strategy users coordinate metacognition and knowledge. Annals of Child Development, 4, 89‑129.https://opus.bibliothek.uni-wuerzburg.de/files/4401/Schneider_W_Cognitive_strategies_Kopie.pdf
Sweller, J. (2011). Cognitive Load Theory. Psychology of Learning and Motivation, 55, 37‑76. https://doi.org/10.1016/B978-0-12-387691-1.00002-8