Le neurofeedback est une méthode de psychothérapie assistée par ordinateur dans laquelle certains paramètres de l’activité cérébrale du patient sont rendus visibles pour le patient. Un système de diffusion montre à la personne en temps réel ce que son cerveau est en train de faire (feedback).
Grâce à ces signaux de feedback, les patients apprennent à mieux ressentir et comprendre le fonctionnement de leur cognition. De nombreuses maladies, troubles ou comportements indésirables sont dus à une dérégulation de mécanismes de contrôle cognitif ou de régulation émotionnelle. Le neurofeedback vise à faciliter l’acquisition de compétences cognitives pour compenser ces dérégulations.
Ce qui ne nous intéresse PAS à l’institut
Le neurofeedback est utilisés depuis une cinquantaine d’années, pour des raisons historiques, dans le but de conditionner les signaux biologiques de patients. Conditionner signifie en gros que le but visé est de “dresser le cerveau” du patient. Cette approche ignore les apports des théories cognitives, et par conséquent néglige plusieurs aspects importants du fonctionnement humain (Gaume, Vialatte, Mora-Sánchez, Ramdani, & Vialatte, 2016).
Nous ne sommes pas du tout convaincus par cette approche. D’une part, les signaux électroencéphalographiques manquent de spécificité : autrement dit, un même signal peut représenter plusieurs fonctions. Ce qui signifie qu’il est difficile de savoir ce qui est conditionné. D’autre part, malgré des progrès notables ces dernières années, les bénéfices obtenus pour la personne avec un objectif de conditionnement sont difficiles à distinguer du placebo !
En outre, cette approche néglige totalement le cadre thérapeutique des psychothérapies, considérant à tort que le neurofeedback fonctionnerait comme un médicament (ce qui est absurde : avez-vous besoin de vous concentrer sur votre aspirine pour qu’elle fonctionne ?). Le neurofeedback, en se focalisant sur un objectif de conditionnement, dispose à l’heure actuelle d’un cadre thérapeutique trop faiblement défini, ne tenant pas compte des facteurs cognitifs et psycho-sociaux. Par exemple, l’approche de neurofeedback la plus documentée dans la littérature (Micoulaud-Franchi et al., 2014) cible la réduction des symptômes d’inattention dans le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Dans l’ensemble, les traitements du TDAH basés sur le neurofeedback font l’impasse sur les programmes existant en thérapie comportementales et cognitives (TCC) du TDAH dont la pertinence est pourtant démontrée (Cairncross & Miller, 2016; Jensen, Amdisen, Jørgensen, & Arnfred, 2016; Weisz et al., 2017), et ignorent les modèles existant de la pathologie (e.g. Sonuga-Barke, Bitsakou, & Thompson, 2010).
Ce qui nous intéresse à l’institut
Le cadre des TCC est structuré et possède une efficacité reconnue (Hofmann, Asnaani, Vonk, Sawyer, & Fang, 2012). Nous proposons d’insérer le neurofeedback dans ce cadre des TCC, ce qui présente des synergies très pertinentes. Il devient alors un outil de remédiation de la conscience intéroceptive® : autrement dit, un système pour apprendre à se connaître soi-même.
Remédiation de la conscience intéroceptive : les séances de neurofeedback à l’institut visent non pas à conditionner le cerveau (sic), mais à fournir à la personne les moyens de se connaître elle-même.
Dans ce contexte, l’absence de spécificité du signal n’est plus un problème : si un signal correspond à plusieurs fonctions, le patient peut les explorer et les découvrir les unes après les autres. Cependant, plus le signal est précis, et plus le bénéfice sera grand pour le patient. C’est pourquoi nous avons mis au point des interfaces cerveau-machine cognitives pour améliorer la précision de nos mesures (procédé breveté).
Dès lors, ce qui va compter n’est plus de “dresser” aveuglément le cerveau, mais d’améliorer la compréhension fine du fonctionnement interne de la personne. Autrement dit, la personne apprend de façon ludique à méditer, avec un jeu vidéo qui lui montre en temps-réel comment ses mécanismes cognitifs réagissent. Les exercice proposés sont ceux que l’on retrouve dans les pratiques de mindfulness, et pourraient d’ailleurs être effectués sans neurofeedback. Cependant, au lieu d’être laissé seul face à lui-même, la personne dispose d’un soutien : la machine l’accompagne dans son exploration d’elle-même.
En s’appuyant sur nos recherches, nous pouvons expliciter les principaux paramètres cognitifs du neurofeedback, et la place que peut prendre de cet outil dans un protocole de TCC. Plus précisément, les notions de stratégies cognitives (Pressley, Borkowski, & Schneider, 1987), de feedback interne, de charge cognitive (Sweller, 2011) et d’empan attentionnel, joueraient un rôle clef dans le neurofeedback, et pourraient bénéficier du cadre des TCC. Réciproquement, le neurofeedback permet d’étayer l’intéroception des patients dans les protocoles TCC existant.
Références :
Cairncross, M., & Miller, C. J. (2016). The Effectiveness of Mindfulness-Based Therapies for ADHD: A Meta-Analytic Review. Journal of Attention Disorders, 1087054715625301. https://doi.org/10.1177/1087054715625301
Gaume, A., Vialatte, A., Mora-Sánchez, A., Ramdani, C., & Vialatte, F.-B. (2016). A psychoengineering paradigm for the neurocognitive mechanisms of biofeedback and neurofeedback. Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 68, 891‑910. https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2016.06.012
Hofmann, S. G., Asnaani, A., Vonk, I. J. J., Sawyer, A. T., & Fang, A. (2012). The Efficacy of Cognitive Behavioral Therapy: A Review of Meta-analyses. Cognitive Therapy and Research, 36(5), 427‑440. https://doi.org/10.1007/s10608-012-9476-1
Jensen, C. M., Amdisen, B. L., Jørgensen, K. J., & Arnfred, S. M. H. (2016). Cognitive behavioural therapy for ADHD in adults: systematic review and meta-analyses. ADHD Attention Deficit and Hyperactivity Disorders, 8(1), 3‑11. https://doi.org/10.1007/s12402-016-0188-3
Micoulaud-Franchi, J.-A., Geoffroy, P. A., Fond, G., Lopez, R., Bioulac, S., & Philip, P. (2014). EEG neurofeedback treatments in children with ADHD: an updated meta-analysis of randomized controlled trials. Frontiers in Human Neuroscience, 8(906). Consulté à l’adresse https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnhum.2014.00906/full
Pressley, M., Borkowski, J. G., & Schneider, W. (1987). Good strategy users coordinate metacognition and knowledge. Annals of Child Development, 4, 89‑129.https://opus.bibliothek.uni-wuerzburg.de/files/4401/Schneider_W_Cognitive_strategies_Kopie.pdf
Sonuga-Barke, E., Bitsakou, P., & Thompson, M. (2010). Beyond the Dual Pathway Model: Evidence for the Dissociation of Timing, Inhibitory, and Delay-Related Impairments in Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder. Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry, 49(4), 345‑355. https://doi.org/10.1016/j.jaac.2009.12.018
Sweller, J. (2011). Cognitive Load Theory. Psychology of Learning and Motivation, 55, 37‑76. https://doi.org/10.1016/B978-0-12-387691-1.00002-8
Weisz, J. R., Kuppens, S., Ng, M. Y., Eckshtain, D., Ugueto, A. M., Vaughn-Coaxum, R., … Fordwood, S. R. (2017). What five decades of research tells us about the effects of youth psychological therapy: A multilevel meta-analysis and implications for science and practice. American Psychologist, 72(2), 79‑117. https://doi.org/10.1037/a0040360